Contexte et objectifs de la législation Omnibus
La Commission européenne a récemment présenté un projet ambitieux de règlement omnibus visant à alléger les obligations de reporting extra-financier des entreprises. Ce nouveau cadre législatif a pour objectif de réduire la complexité entourant le reporting de durabilité en clarifiant les attentes et en encourageant une adoption généralisée des pratiques durables au sein des entreprises.
Parallèlement, il s’agit d’accroître la compétitivité des entreprises européennes sur la scène mondiale, comme l’a souligné le rapport Draghi plaidant pour un plan commun afin d’éviter une perte de 10 % du PIB potentiel de l’UE. La déclaration de Budapest engage quant à elle les autorités à réduire les obligations déclaratives d’au moins 25 % d’ici mi-2025, un véritable bol d’air pour les entreprises qui boostera leur capacité d’innovation et de croissance.
Trois textes réglementaires ciblés
Le projet Omnibus s’attaque plus particulièrement à trois textes législatifs fondamentaux qui constituent le socle actuel du reporting extra-financier. Il y a d’abord la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui est entrée en vigueur en janvier 2024 et qui régit le reporting extra-financier des entreprises pour renforcer leur transparence sur les aspects de durabilité. La taxonomie verte européenne adoptée en 2020 est également un texte majeur, elle définit les activités économiquement durables et oriente les investissements vers des solutions à impacts écologiques.
Enfin, la CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) introduit un « devoir de vigilance » sur l’ensemble des chaînes de valeur des entreprises. Cette directive impose aux entreprises une obligation d’analyse et de suivi actif de leurs impacts sociaux et environnementaux, assurant ainsi une plus grande responsabilité tout au long de leur chaîne d’approvisionnement.En ciblant ces trois textes, le projet Omnibus vise à harmoniser et simplifier les exigences légales en matière de durabilité.
Quels sont les objectifs spécifiques de la législation Omnibus ?
Parmi les principaux objectifs de la législation Omnibus figure la création d’un cadre unifié et simplifié pour le reporting extra-financier. En allégeant la charge administrative et les ressources nécessaires à la mise en conformité, ce cadre vise à faciliter la tâche des entreprises pour qu’elles puissent se concentrer sur la mise en œuvre de pratiques durables plutôt que sur le reporting bureaucratique.
En outre, la législation Omnibus cherchera à éviter les doublons et à clarifier l’articulation entre les trois textes législatifs existants. Cela permettra une meilleure compréhension de leurs obligations respectives et une harmonisation des données reportées par les entreprises. Rendre comparables les données intégrées aux rapports constitue aussi un objectif crucial de cette législation afin de permettre aux investisseurs et autres parties prenantes clés d’évaluer plus facilement leurs performances.
Qui est concerné ?
Les entreprises visées par la CSRD et la CS3D sont principalement des grandes entreprises européennes, définies par un seuil d’au moins 250 salariés, 25 millions d’euros de bilan ou 50 millions d’euros de chiffre d’affaires. En d’autres termes, les petites entreprises ne seront pas tenues de s’y conformer mais plutôt les quelque 5500 entreprises de l’UE correspondant à ces critères.
Bien que ne représentant que 0,05 % des entreprises dans l’UE, ces grandes entreprises ont parfois une position dominante dans leur secteur et dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. En se concentrant sur les grandes entreprises, la législation cherche à maximiser l’impact des efforts de durabilité tout en simplifiant le reporting pour ceux qui sont le mieux placés pour diriger le changement.
Pour les PME, la norme VSME constitue le cadre volontaire en matière de reporting de durabilité.
Ce qui changera avec la législation omnibus
La mise en place de la législation Omnibus aura des conséquences pratiques majeures sur le reporting des entreprises. Pour faciliter l’exercice, un seul rapport sera demandé, regroupant les obligations de la CSRD, de la CS3D et de la taxonomie. Les entreprises n’auront qu’un rapport à produire et les données seront plus cohérentes.
Les délais d’exécution seront également unifiés et des définitions et indicateurs communs seront établis afin d’harmoniser la compréhension et l’application dans toute l’UE. La CSRD pourrait par ailleurs limiter les données demandées à des données quantitatives, excluant ainsi les narratives, réduisant ainsi le volume de données à collecter par les entreprises et facilitant le reporting.
- Harmonisation des exigences de reporting au niveau européen.
- Réduction des délais d’établissement du rapport (reporting).
- Minimisation des redondances lors de la collecte de données.
- Amélioration de la transparence et comparabilité entre informations financières et non financières.
- Facilitation d’accès aux données pour parties prenantes (investisseurs, régulateurs…).
Tous ces ajustements devraient permettre une approche plus propice aux entreprises, favorisant ainsi leur optimisation tout en respectant les nouvelles normes réglementaires.
L’état d’avancement des discussions au niveau des Etats Membres de l’UE
Si certains pays font avancer la transposition de la législation Omnibus, à l’instar de la France, d’autres comme l’Allemagne réclament une forte réduction de l’ambition de la CSRD, attestant d’un souhait de simplification et d’allègement des obligations pour les entreprises.
Ces positionnements opposés sont à l’origine de tensions entre les partisans du pacte vert qui souhaitent des règles contraignantes afin de garantir la durabilité des activités et ceux qui militent pour un allègement des obligations règlementaires afin de ne pas nuire à la compétitivité économique.
Ce débat constitue une illustration des difficultés liées à l’harmonisation d’une législation sur un continent aussi hétérogène.
Comment se préparer à la législation omnibus ?
Les entreprises peuvent dès à présent se renseigner sur les réglementations existantes et poursuivre leurs efforts de mise en conformité, en portant une attention particulière à la double matérialité (évaluation des impacts, risques et opportunités liés à la durabilité). Cette démarche leur permettra d’anticiper les exigences futures et de s’assurer qu’elles sont prêtes à répondre aux nouvelles normes.
D’autre part, l’accent sur le Bilan Carbone reste essentiel : les indicateurs climat, probablement maintenus dans le cadre de la nouvelle législation, nécessitent une collecte de données quantitatives rigoureuse. Se préparer dès maintenant à ces exigences permettra aux entreprises de mieux s’adapter aux changements à venir et de renforcer leur position en tant que leaders dans le domaine de la durabilité.
Prochaines étapes
Si l’impact du projet Omnibus sur le reporting extra-financier est considéré comme majeur, il existe cependant un risque de dilution des ambitions sociales et environnementales, si les exigences sont trop assouplies. Entreprises et législateurs devront collaborer pour garantir que les attentes en matière de durabilité constituent une priorité, malgré la simplification des processus.
Les prochaines étapes se concentrent sur des consultations publiques, où les parties prenantes pourront partager leurs opinions et influencer la rédaction de la législation finale. L’adoption de la législation Omnibus est attendue pour 2026, ce qui laisse le temps aux entreprises d’intégrer les nouvelles exigences, tout en s’engageant activement dans les discussions en cours.